Séminaire pluridisciplinaire
Organisateurs : Amr Ahmed (INALCO, CeRMI), Sandra Aube (CNRS, CeRMI), Samra Azarnouche (EPHE PSL, CeRMI), Pollet Samvelian (Sorbonne Nouvelle, CeRMI)

Le séminaire mensuel de recherche « Société, politiques et cultures du monde iranien », organisé par l’UMR 8041 Centre de Recherche sur le Monde Iranien (CNRS – Sorbonne nouvelle – INaLCO – EPHE), présente les recherches récentes sur l’Iran et le monde iranien, de l’Antiquité à nos jours, selon une approche « aire culturelle » et dans une perspective pluridisciplinaire (linguistique et philologie, littérature, histoire, histoire de religions, histoire de l’art, sciences sociales…). Il fait intervenir les membres de l’unité de recherche (chercheurs, enseignants-chercheurs et doctorants) mais aussi des invités venant d’autres institutions universitaires en France et à l’étranger. Le séminaire est conçu comme un lieu d’échanges et de débats, et aborde les problématiques en articulation avec les cinq axes de recherche développés au sein du CeRMI: Produire, écrire, échanger; Les communautés religieuses: textes, traditions et identités; Etats, territoires et sociétés contemporaines; Littératures et création littéraire; Langues et linguistique. Le séminaire s’adresse aux doctorants et chercheurs travaillant sur l’aire culturelle iranienne, et il est également ouvert aux étudiants de Master et plus largement à tout public intéressé par ces thématiques de recherche.


Programme du 1er semestre en format pdf
Programme du 2e semestre en format pdf


Lundi 12 octobre 2020, 17-19h

Auditorium de la Maison de la Recherche de l’INaLCO (2, rue de Lille, Paris)
En présentiel : Auditorium de la Maison de la Recherche de l’Inalco (2, rue de Lille, Paris)
En distanciel : inscription obligatoire via ce formulaire

Lorenz Korn (professeur, Otto-Friedrich Universität Bamberg)
Construction and Architectural Design in Iran During the Saljuq Period. The Example of the Great Mosque of Borujerd

Résumé/Abstract
The introduction of the monumental dome chamber during the Saljuq period (11th-13th c.) in Iran was a major step in the development of mosque architecture. The brick constructions are apparently well thought-out and testify to the ability of their builders in planning. However, principles that guided the design as well as the practice of construction are still open to research. In particular, it can be asked in which way the elevation of a dome chamber was designed, and how the height of the dome and of wall sections below were determined. Did the builders have certain proportions in mind? Recent publications seem to support this view, suggesting that applied geometry, which had made significant progress at the time, played a major role in the design of these buildings. The exact documentation of Saljuq dome chambers with 3D laser scanning permits to test statements on measures on individual examples. In the mosque of Borujerd (1139-45 CE), exactly measured sections of the dome hall give hints, but no conclusive evidence on proportioning in the design process. The variety of solutions for the design of walls, arcades and squinches suggests that the appearance of the Saljuq dome chambers depends much more on the interplay between the architectural elements on the surface than on fixed proportions.


Mardi 24 novembre 2020, 17-19h
En distanciel : inscription obligatoire via ce formulaire

Antonio Panaino (professeur, Università di Bologna)
Le symbolisme de la flèche et de l’archer (roi ou héros) dans le monde iranien préislamique

Résumé/Abstract
La flèche a occupé une place éminente dans la mythologie de l’Iran ancien, en particulier dans le cycle du héros Ǝrəxša (pehlevi Ēraš, persan Āraš/Āriš), mais la valeur symbolique de l’archer s’avère tout aussi pertinente dans l’idéologie achéménide, où l’influence de multiples cultures a été décisive. Ce séminaire présentera certains des principaux aspects du long vol de la flèche à travers l’histoire de l’Iran et sa littérature, en soulignant les différences entre l’enthousiasme parthe pour l’image de l’archer (avec la question des relations étymologiques ou pseudo-étymologiques entre le nom d’Aršaka- et celui du héros primordial), et le silence sassanide sur cette tra­di­tion orientale et proto-iranienne (à l’exception de l’inscription bilingue de Ḥājiābād). On cherchera aussi à répondre à la question de la destinée légendaire d’Ǝrəxša/Āraš : est-il mort, comme le décrit la narration d’al-Bīrunī, désagrégé en mille morceaux ? Nous le verrons lors du séminaire.

Indications bibliographiques

  • Gazerani, S. (2014), « Why Was the Story of Arash-i Kamangir excluded from the Shahnameh? », Iran nameh 29/2, pp. 42-62.
  • Lerner, J. (2017), « Mithradates I and the Parthian Archer », In Arsacids, Romans, and Local Elites. Cross-Cultural Interactions of the Parthian Empire. Ed. by J. M. Schlude – B. B. Rubin. Oxford – Philadelphia, pp. 1-24.
  • Panaino, A. (2019), « Symbolic and Ideological Implications of Archery in Achaemenid and Parthian Kingships », In Philobiblos. Scritti in onore di Giovanni Geraci. A cura di Alice Bencivenni, Felice Cristofori, Federicomaria Muccioli, Carla Salvaterra. Milano, Jouvence (Antiquitas), pp. 19-66.
  • Sergent, B. (1991), « Arc », Métis. Anthropologie des mondes grecs anciens 6, n° 1-2, pp. 223-252.
  • Stackelberg, R. von (1904), « Die iranische Schützensage », ZDMG 58, pp. 853-858

Jeudi 17 décembre 2020, 17h-19h
En distanciel : inscription obligatoire via ce formulaire

Alberto Bernard (doctorant contractuel, EPHE, PSL/CeRMI)
Hiérarchie, salaires et compétition : les prêtres zoroastriens au IXe siècle de n. è.

Résumé/Abstract
Selon l’opinion commune sur le zoroastrisme post-sassanide, la perte du support étatique et financier, les conversions, la marginalisation, et enfin l’émigration des communautés marquent des étapes progressives qui donnent l’apparence d’une inéluctable « décadence et chute ».
Cette intervention vise à redresser partiellement ce tableau. Je me focaliserai sur un espace et un temps circonstancié, l’Iran centre-méridionale au tournant du IXe siècle de n. ère, tel qui nous est représenté indirectement par les écrits en moyen-perse de Manuščihr, chef religieux des régions du Fārs et du Kermān, auteur de trois lettres « pastorales » et d’un recueil de « questions et réponses » connu sous le titre de Dādestān ī dēnīg. Le texte nous livre des renseignements précieux sur la hiérarchie des spécialistes religieux zoroastriens (MP hērbed, hāwišt, mowmard), les sources de leurs revenues, les phénomènes de concurrence qui pouvaient se produire entre eux, ainsi que sur les commandes des rituels et la négociation du coût de leur célébration.
Depuis les études fondamentales de Philip Kreyenbroek (1987a,b) sur ces passages, les chercheurs en ont reconnu la valeur documentaire, mais en les interprétant comme témoignages d’une « institutional disintegration » (Chosky 1997, p. 168 n. 67). Je propose d’observer dans une perspective différente l’interaction triangulaire entre l’autorité spirituelle, les spécialistes du culte et les communautés zoroastriennes, en focalisant l’attention sur les composantes économiques et sociales inhérentes à ces échanges et sur la façon toute particulière dont elles sont conceptualisées par Manuščihr. Insérées dans un cadrage moins catastrophiste, ces données nous laissent entrevoir une situation de changement encore pleine de vitalité, caractérisée par une certaine mobilité physique et sociale, où les réseaux de l’autorité sont légitimés par des stratégies nouvelles.

Indications bibliographiques

  • Choksy, J. K., Conflict and Cooperation: Zoroastrian Subalterns and Muslim Elites in Medieval Iranian Society, Columbia University Press, New York, 1997.
  • Kreyenbroek, P. G., “The Dādestān ī Dēnīg on Priests”, Indo-Iranian Journal 30, 1987, p. 185–208.
  • Kreyenbroek, P. G., “The Zoroastrian Priesthood after the Fall of the Sasanian Empire, dans Transition Periods in Iranian History”, Ph. Gignoux ed., Transition Periods in Iranian History.Actes du symposium de Fribourg-en-Brisgau (22–24 mai 1985), Cahier de Studia Iranica 5, Association pour l’avancement des études iraniennes, Peeters, Leuven, 1987, p. 151–166.


Werner Gaboreau (doctorant contractuel, Sorbonne Nouvelle/CeRMI)
Classifier et inventorier au XVIIe siècle : l’Iran safavide, un exemple de construction du savoir préscientifique en Europe

Résumé/Abstract
Au début du XVIIe siècle, l’Iran est « redécouvert ». La période dite des « Grandes découvertes » et la première mondialisation à partir du XVIe siècle, accélèrent la mise en connexion du monde. L’Iran ou la « Perse », pour rependre sa désignation géographique dans les sources européennes, est intégré à de vastes réseaux d’échanges. Le nombre de voyageurs européens qui traversent l’Iran ou s’y installent, augmente. Ces mobilités et voyages sont le résultat de plusieurs motivations. La limite entre les motivations économiques, politiques, religieuses ou érudites n’est pas toujours évidente. La motivation d’origine évolue souvent et les objectifs de la mission du voyageur se redessinent. La rencontre à l’œuvre pendant près d’un siècle construit cependant une représentation de l’altérité culturelle qui s’affine de plus en plus pour devenir commensurable. L’heure est désormais à la description et à l’inventaire du monde.
Les analyses issues de ce savoir, présentes à la fois dans les sources officielles et institutionnelles ou les sources non-officielles et littéraires, s’inscrivent dans une mentalité préscientifique. Cette mentalité met en place les premières classifications et typologies nécessaires à la compréhension du monde. Cette période, qui correspond au XVIIe siècle est souvent mise de côté dans la construction des sciences. Elle demeure en réalité fondamentale dans l’histoire de celles-ci : la théorisation d’une méthode d’analyse scientifique moderne aux XVIIIe-XIXe siècles et la structuration des disciplines au XIXe siècle, n’éliminent pas l’inventaire fait auparavant du monde. Les données collectées au XVIIe siècle dans les récits de voyages et les rapports d’agents européens sont reprises et réutilisées comme supports.
Cette intervention restituera l’Iran dans cette lente construction du savoir au XVIIe siècle. La connaissance croissante de l’espace dominé par les Safavides se retrouve dans les sources européennes. Les rapports et mémoires du missionnaire carme Paul Simon (1608) et du père capucin Français Raphaël du Mans (1660-1684), ainsi que le récit de voyage du capucin Pacifique de Provins (1628) permettent de reconstituer la processus intellectuel d’une meilleure maîtrise du « milieu iranien » et l’émergence de l’Iran safavide comme un objet à part dans l’érudition européenne.

Indications bibliographiques

  • Pestre, Dominique et VAN DAMNE, Stéphane (dir.), Histoire des sciences et des savoirs, 3 vol., Paris, Points, 2019.
  • Windler, Christian, Missionare in Persian : kulturelle Diversität and Normenkonkurrenz im globalen Katholizismus 17.-18. Jahrhundert, Köln/Weimar/Wien, Böhlau Verlag, 2017.
  • Floor Willem M. and HERZIG Edmund (eds.), Iran and the World in the Safavid Age, London/New York, I. B. Tauris, 2012.
  • Richard, Francis, Raphael du Mans : missionnaire en Perse au XVIIe siècle, Paris, L’Harmattan, 1995.
  • Vesel, Živa, Les Encyclopédies persanes : essai de typologie et de classification des sciences, Paris, Recherche sur les civilisations, 1986.


Jeudi 21 janvier 2021, 17h15-19h
En distanciel : inscription obligatoire via ce formulaire

Martina Massullo (Université de Lille)
Le patrimoine funéraire islamique de Ghazni d’après les archives de la Mission Archéologique Italienne en Afghanistan

Résumé/Abstract
Au sein de la documentation collectée à Ghazni par la Mission Archéologique Italienne en Afghanistan (1957-1978), le patrimoine funéraire occupe une place de premier plan. En effet, de nombreuses structures funéraires se dressent autour de la ville. Ces espaces sacrés, mausolées où enclos, présentent une grande variété de styles architecturaux et ils recèlent un nombre exceptionnel de tombeaux en marbre datant du Xe au XVIIe siècle, ainsi que d’éléments remployés relevant du décor architectural des palais et d’autres vestiges ghaznévides de la ville. Cette documentation, partiellement inédite, témoigne de l’occupation continue de ces sites au fil des siècles et de leur valeur sacrée. Un poème mystique en persan confirme ce constat, et révèle qu’au XVIIe siècle ces espaces funéraires devinrent partie d’un circuit de pèlerinage à l’échelle locale, selon une pratique attestée en Asie Centrale et dans les territoires iraniens. Néanmoins, les nombreux remaniements qui ont touché ce patrimoine funéraire, ainsi que la nature fragmentaire des photographies conservées dans les archives italiennes, compliquent l’analyse et la reconstitution chronologique de ces structures et appellent à un travail de réorganisation et d’exploitation de l’ensemble de cette précieuse documentation.


Orientations bibliographiques

  • Massullo, M., “Epigraphic Survey on the Mausoleum of Muḥammad Šarīf Ḫān at Ghazni (Afghanistan)”, Bulletin d’études orientales, 67, 2020, p. 159-184.
  • Massullo, M., “Marble Tombs from Ghazni (Fifteenth-Eighteenth Centuries): Morphological and Epigraphic Remarks”, Eurasian Studies, 13, 2015, p. 54-67.
  • Szuppe, M., « Une description des lieux de pèlerinage (ziyāratgāh) autour de Ghazna, Afghanistan (fin du XVIIe s. ?)», dans M. Bernardini et N.L. Tornesello (éd.), Scritti in onore di Giovanni M. D’Erme, Università degli Studi di Napoli “L’Orientale”, Series Minor,68, 2005, p. 1167-1200.


Jeudi 11 février 2021, 17-19h
En distanciel : inscription obligatoire via ce formulaire

Oliver Bast (professeur, université Sorbonne Nouvelle/CeRMI – UMR 8041)
Le coup d’État du 21 février 1921 cent ans après. Une réflexion historiographique

Résumé/Abstract
Le 21 février 2021 marque le centenaire d’un événement qu’on a pris l’habitude d’appeler le Coup d’État de Reza Khan. Étant donné que dans quelques jours, 100 ans se seront écoulés depuis ce putsch qui a inauguré un processus de cinq ans dont le point culminant sera la création de la dynastie Pahlavi, il semble légitime de tenter de réévaluer la portée historique de cet événement. L’intervention traitera ainsi de la manière dont l’historiographie du Coup a évolué, mais elle proposera également sa propre façon de lire le bouleversement du 21 février 1921 en l’inscrivant dans un contexte plus large, tant au niveau empirique que conceptuel.

Orientations bibliographiques

  • Richard, Yann, L’Iran : de 1800 à nos jours (Paris : Flammarion, 2016).
  • Ghani, Cyrus, Iran and the Rise of Reza Shah: from Qajar Collapse to Pahlavi rule (London & New York, NY: I.B. Tauris, 1998).
  • Katouzian, Homa, State and Society in Iran : the Eclipse of the Qajars and the Emergence of the Pahlavis (London & New York, NY: I.B. Tauris, 2000).

Jeudi 11 mars 2021, 17-19h
En distanciel : inscription obligatoire via ce formulaire

Özgür Sevgi Göral (Chercheuse post-doctorale à l’Université de Paris 8 et chargée de cours à l’INaLCO)
Négociation, conflit, concurrence et solidarité : Champ de mémoire du conflit kurde à travers la notion d’effet colonial

Résumé/Abstract
La Turquie est caractérisée par l’absence totale des débats mémoriels selon la majorité des universitaires et des intellectuels. Dans le contexte local, la Turquie est fréquemment décrite comme le pays de l’oubli. Cependant, dans les années 1980, des acteurs qui contestaient les différents fragments et récits mémoriels ont commencé à s’exprimer dans l’espace public. Différents groupes politiques, comme le mouvement kurde, les couches séculaires et républicaines, et les Islamistes ont tenté de développer, d’élaborer et de reformuler leurs récits du passé. Les années 2000 ont vu la culmination du débat mémoriel en Turquie. On peut même parler de memory boost remplaçant l’amnésie dans le contexte de la Turquie. Les initiatives de mémoire incluant les commémorations publiques du génocide arménien, les débats académiques sur les contre-récits et mémoires alternatives, les publications approfondissant le débat mémoriel concernant les expériences violentes du conflit kurde et de diverses minorités se sont multipliées.
Dans cet exposé, je me concentrerai plus particulièrement sur la mémoire du conflit kurde à travers la notion d’effet colonial fabriquée au cours des quarante dernières années. Durant des décennies, la mémoire du conflit kurde s’est diversifiée, multipliée, politisée et est devenue beaucoup plus hétérogène. En outre, non seulement la mémoire du conflit kurde, mais aussi sa perception ont été modifiées au fil des décennies. Je vais analyser cette trajectoire, en me concentrant plutôt sur les années 2000, avec un focus sur les différentes alliances, contradictions et solidarités qui se sont produites dans l’espace politique de la Turquie.

Orientations bibliographiques

  • Göral, Özgür Sevgi. Enforced Disappearance and Forced Migration in the Context of Kurdish Conflict: Loss, Mourning and Politics at the Margin. PhD diss., Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, 2017.
  • Rothberg, Michael. Multidirectional Memory: Remembering the Holocaust in the Age of Decolonization. Stanford, California: Stanford University Press, 2009. 
  • Stoler, Ann Laura. Duress. Imperial Durabilities in Our Times. Durham, London: Duke University Press, 2016.

 

 

Serdar Ay (Docteur en littérature, INaLCO)
Les revues kurdes : principale arène de combat de la littérature kurde kurmandji en Turquie

Résumé/Abstract
Du fait de la censure, la littérature kurde kurmandji en Turquie a longtemps été mise à l’écart et interdite de diffusion à des degrés divers. Par la force des choses, cette littérature a peiné à se développer suivant sa ligne d’évolution propre ; en un sens, chaque fois qu’elle venait à émerger, elle se voyait condamnée à rester dans sa phase « embryonnaire ». Ainsi, la littérature kurde kurmandji en Turquie a eu le plus grand mal à conquérir son tempo propre, sa chronologie spécifique. Dans ce contexte, le format de la revue est éclos comme l’outil le mieux adapté à l’intervention des Kurdes dans les domaines de la pensée, de la culture, ou de la littérature. La revue apparaît ainsi comme l’espace d’une survie possible lorsque « l’écosystème » kurde demeure largement dominé et restreint en Turquie. C’est pourquoi il apparaît nécessaire de penser la revue kurde comme instrument déterminant de l’histoire de la littérature kurde kurmandji en Turquie. Elle est à la fois medium structurant, testament national et lieu d’instruction pour les auteurs en devenir. Cette intervention proposera à ce sujet des réflexions nouvelles et, nous l’espérons, une contribution novatrice aux études littéraires kurdes.

Orientations bibliographiques

  • Ay, Serdar, La Littérature kurde kurmandji en Turquie entre émergence et (re)découverte. Écrire par le biais des revues l’histoire d’une littérature de combat, thèse de doctorat soutenue à l’Institut National des Langues et Civilisation Orientales, Paris, 11 janvier 2021. 
  • Ay, Serdar, « Écrire, par le biais des revues l’histoire d‟une littérature segmentée, non-diffusée ou restrictivement diffusée : Le cas de littérature kurde kurmandji en Turquie », dans Casenave, J., Denis, G. et Hupel, E., Le Nouveaux Chemins de la Littérature : Repenser l’analyse des littératures en langues minorisées, Rennes, TIR, 2020, pp. 343-353.
  • De Marneffe, Daphné et Denis, Benoît (dir.), Les réseaux littéraires, Bruxelles, Le Cri – CIEL – ULB – Ulg., 2006.

 


Jeudi 8 avril 2021, 17-19h
En distanciel : inscription obligatoire via ce formulaire

Alessia Zubani (post-doctorante à l’Université de Bologne, pôle de Ravenne)
Les mécanismes de la diplomatie : le rôle des dispositifs ingénieux dans les relations diplomatiques entre Byzantins et Sassanides

Résumé/Abstract
Les empires sassanide et byzantin ont su mettre à profit, sur le plan culturel, les multiples relations qu’ils ont entretenues l’un avec l’autre. Les activités diplomatiques et le riche cérémonial qui s’en suivait semblent avoir été au cœur de ces dialogues, dont l’un des éléments les plus importants était les échanges de dons. En tant que véhicules d’une symbolique idéologique complexe, ces cadeaux diplomatiques incarnaient d’une certaine manière des agents politiques, au même titre que des émissaires et des ambassadeurs. Un corpus hétérogène de sources islamiques témoigne de la circulation entre les cours byzantine et sassanide de dispositifs ingénieux, c’est-à-dire des automates et appareils mécaniques qui, par le biais d’un stimulus externe et de mécanismes cachés, activaient une série d’effets visuels. L’analyse de ce corpus permet de comprendre le rôle que ces artefacts jouaient dans les pratiques diplomatiques de deux empires et d’en saisir la valeur politique et idéologique. Il en ressort que les échanges de ces dispositifs ingénieux ont encouragé le développement d’un répertoire technique, artistique et symbolique commun, en faisant des automates le produit d’une culture aulique internationale.

Indications bibliographiques

  • Canepa, Matthew P. The Two Eyes of the Earth: Art and Ritual of Kingship between Rome and Sasanian Iran. Berkeley : University of California Press, 2009.
  • Iafrate, Allegra. The Wandering Throne of Solomon: Objects and Tales of Kingship in the Medieval Mediterranean. Leiden ; Boston : Brill, 2015, [en particulier pp. 84-93].
  • Nechaeva, Ekaterina. Embassies, Negotiations, Gifts: Systems of East Roman Diplomacy in Late Antiquity. Stuttgart : Franz Steiner Verlag, 2014, [pp. 163-206].
  • Truitt, Elly Rachel. Medieval Robots: Mechanism, Magic, Nature, and Art. Philadelphia : University of Pennsylvania Press, 2015.

 

Belgheis Alavi Jafari (chargée de cours, INaLCO)
Les représentations de l’exil dans les chants et poèmes populaires afghans

Résumé/Abstract
Dans cette étude des représentations de l’exil dans la culture orale afghane, nous nous intéressons aux poèmes populaires et aux chants. Ce travail porte sur la voix des exilés et la représentation qu’ils se font de leur vie loin du pays natal, et d’eux-mêmes. Les poèmes et les chants populaires expriment leur nostalgie et la souffrance collective face à la perte et au sentiment d’absence qui caractérise leur vie. Ces modes d’expression sont également utilisés pour inciter les exilés au retour, et certains chants récents, comme outils de contestation au sein de la société d’accueil autant qu’envers le gouvernement afghan.

Orientations bibliographiques

  • Baily, J. and Collyer, M. (2006), Introduction: Music and Migration, Journal of Ethnic and MigrationStudies, 32 (2): pp. 167-182.
  • Baily, J. and Collyer, M. (2006), Introduction: Music and Migration, Journal of Ethnic and MigrationStudies, 32 (2): pp. 167-182.
  • Olszewska, Z. (2007), A Desolate Voice: Poetry and Identity among Young Afghan Refugees in Iran, Iranian Studies, 40(2), pp.203–224.


Jeudi 6 mai 2021, 17-19h
En distanciel : inscription obligatoire via ce formulaire

Maria Szuppe (directrice de recherche, CNRS, CeRMI – UMR 8041)
Grandes familles locales et leurs réseaux d’influence dans le monde iranien oriental : le cas des khwājas de Barnābād (Hérat) aux XVe-XVIIIe siècles

Résumé/Abstract
La famille de Khwājas (Maîtres) de Barnābād vient à l’origine d’un village non loin de Hérat (Afghanistan) et descend d’un ancêtre plutôt obscur, mort au début du XVe s., que la tradition familiale relie au renommé maître soufi de l’époque de Tamerlan, Zayn al-Din Tāybādi (m. 791/1389). Au cours du XVIe s., les Barnābādi deviennent progressivement une famille éminente de la région de Hérat et gardent cette position jusqu’à l’extrême fin du XVIIIe s.. Administrateurs (motavalli) du mausolée de leur ancêtre à Barnābād, propriétaires fonciers dans la région de Hérat et ailleurs, hauts dignitaires dans l’administration civile safavide et post-safavide de la province, les Khwājas et leurs épouses sont également d’importants mécènes et bienfaiteurs.
Leur histoire est connue grâce à la découverte, dans les années 1960, d’une source unique, le Tazkera-ye Barnābādi, composé en persan au début du XIXe s. par un membre de la famille, Moḥammad-Reżā Barnābādi (m. 1815). Trois manuscrits de ce texte sont répertoriés aujourd’hui (deux en Afghanistan, et un — autographe — en Russie). Outre des parties narratives et poétiques, le texte comporte de nombreuses copies de documents (décrets royaux, donations familiales, vaqf-nāma…) et de lettres reçues ou écrites par les principaux Khwājas documentant plus de 350 ans de l’histoire familiale. Par ailleurs, le cimetière de Barnābād contient encore une quarantaine de tombeaux anciens dont certains inscrits (prospections A. Bruno 1978 ; R. Samizay 1981). Cette documentation pourrait se comparer avec celles, mieux connues, sur l’histoire longue des Khwājas Juybāri de Boukhara, ou des Khwājas Kojuji (Kojujāni) de Tabriz, par exemple.
L’analyse du cas des Khwājas de Barnābād nous permet d’observer les stratégies employées sur un temps long par les membres d’une famille aux assises régionales pour assurer sa promotion sociale et économique. Non seulement on peut en suivre les étapes, mais aussi identifier les éléments constitutifs de ce type de processus : référence spirituelle originelle, assise économique forte, liens avec le pouvoir politique, mobilité sociale, appartenance à un réseau d’influence régionale (notamment grâce à un système complexe d’alliances matrimoniales).

Orientations bibliographiques

  • Barnābādī, Muḥammad Riżā, Taẕkire (“Pamjatnye zapiski”), éd. facsimilé du ms.C-402, trad. en russe par Natalija N. Tumanovich, Moscou : Nauka, 1984.
  • Māyel Heravi, Najib, [Mayel Herawy] Mirzāyān-e Barnābād / Mirzas of Barnabad. Biography and literary works of an artist family in Poshang (9th century H. – 13th century H.), Kaboul, 1969.
  • Szuppe, Maria, “Biens familiaux en division. Un témoignage sur la propriété foncière des khwājas Barnābādī au début du XVIIIe siècle”, in : N. Pournaqchéband et Fl. Saalfeld (edd.), Aus den Tiefenschichten der Texte. Beiträge zur turko-iranischen Welt von der Islamisierung bis zur Gegenwart, Wiesbaden: Reichert, 2019, p. 179-190.
  • Szuppe, Maria, “Families of civil administrators in Safavid Iran: Long-term career strategies of the Khwājas de Barnābād (Khorāsān, ca. 15th-18th c.) », Dyntran Working Paper n° 30, Nov. 2017, https://dyntran.hypotheses.org/2056


Jeudi 3 juin 2021, 17-19h
En distanciel : inscription obligatoire via ce formulaire

Alexandre Papas (directeur de recherche, CNRS, CETOBaC – UMR 8032)
Aspects du soufisme en Iran d’aujourd’hui

Résumé/Abstract
Moins étudié que son passé médiéval, le soufisme iranien contemporain est pourtant une tradition bien vivante. Populations chiites et sunnites continuent de se rendre en pèlerinage sur les tombeaux de maîtres spirituels ; des cercles se rassemblent en quête d’initiation et de rituels collectifs ; divers textes publiés à compte d’auteur circulent de main en main, parfois sur téléphone. Pour illustrer l’ensemble de ces phénomènes, je présenterai deux cas d’étude – l’un confrérique, l’autre régional – à partir d’enquêtes de terrain menées en 2017 et 2018. Le premier cas est celui des Khâksâr, une confrérie soufie chiite présente notamment à Téhéran et à Chiraz. Le second couvre la province du Khorâsân-e razavî où des réseaux soufis et deobandis se sont établis, reliant l’Afghanistan, le Pakistan, le Baloutchistan et le Kurdistan iranien.

Orientations bibliographiques

  • Stéphane Dudoignon, The Baluch, Sunnism and the State in Iran. From Tribal to Global, Londres, 2017.
  • Azim Hamzi’iyan, Muhyi-l-Din Qanbari et Abd al-Rahim Ya‘qubnia, « Muqâyasa va arzyâbî-yi ârâ-yi Naqshbandiyya va Chishtiyya-yi mu‘âsir-i Khurâsân-i razavî », Pazhûhish-nâma-yi madhâhib-i islâmî, 6/12, 1398/2020, pp. 194-213.
  • Denis Hermann et Mathieu Terrier, dir., Shi‘i Islam and Sufism. Classical Views and Modern Perspectives, Londres, 2020.