Depuis 1999, une Journée Monde Iranien est organisée par le CeRMI (ex-Monde iranien, UMR7528) à l’occasion du nouvel an iranien. Cet événement a la vocation de rassembler à la fois le milieu des spécialistes et étudiants de nos disciplines et le public plus large s’intéressant aux problématiques de recherche aréale. La journée est consacrée à la présentation par les membres du CeRMI et leurs invités de l’actualité de la recherche sur le monde iranien.


XXIIIe Journée Monde Iranien
Bukhara 2018 – photo Julien Thorez

Vendredi 1er avril 2022 – 09h30-18h00
Auditorium de l’INALCO
65 Rue des Grands Moulins, 75013 Paris


Organisation et contact : Julien Thorez (CNRS, CeRMI)

Cette XXIIIe édition accueillera des conférenciers – membres du CeRMI et leurs invités – représentants des différents champs disciplinaires, qui présenteront leurs nouvelles recherches en sciences sociales et politiques, histoire et histoire de l’art de l’aire iranienne.


Programme de la journée

  • 09 h 30 : accueil
  • 09 h 45 : Maria Szuppe, (CNRS, CeRM)I
    Introduction

Session 1 – Présidence : Sandra Aube Lorain (CNRS, CeRMI)

  • 10 h 00 : Martina Massullo, BULAC, CeRMI
    Les tombeaux et les épitaphes de Ghazni du XIIIe-XIVe siècle

À partir d’un petit groupe d’épitaphes datées du XIIIe-XIVe siècle, cette contribution se propose de revenir sur une époque méconnue de l’histoire de Ghazni (Afghanistan). Ces inscriptions sont l’un des rares témoignages textuels et matériels que la ville a restitué pour la période de transition allant de l’invasion mongole en 618/1221, jusqu’à l’arrivée de Timour à la fin du XIVe siècle. L’étude de ces documents contribue davantage à notre connaissance de l’art funéraire et épigraphique de Ghazni. Par ailleurs, l’analyse de ces sources non-officielles nous permet d’enquêter sur le réseau des familles locales dont les sépultures occupaient une place importante dans les cimetières de la ville.

  • 10 h 30 : Alka Patel (University of California, Irvine)
    Where Worlds Meet: Objects and Ideas Across Indo-Iranian Frontiers

By now, art historical discourses have long grappled with their own tendencies to emphasize and reify “influences” flowing unidirectionally from west to east. Calls for decolonization of the discipline have resulted from ongoing scholarly self-reflection and intellectual activism, advocating for the historically more accurate multi-directionality of technological and cultural exchanges. In turn, this decolonization itself must be self-reflective, continuing to differentiate the monolithic “east” and recognizing the vastly varied cultural geographies constituting it — equally applicable to any monolithic notion of the “west.” This paper builds upon the latter observation to examine studies of Indo-Iranian exchanges, focusing on the long twelfth century CE in what is modern Afghanistan – the meeting place of the Indic and Iranian cultural spheres. Curiously, the west-to-east flow of ideas and technologies appears entrenched even in the historiographies of these regions of the so-called global South: Persianate architectural (and other) technologies, for example, are often still emphasized as the new, aspirational models introduced with the late twelfth-century Shansabani successes in northern India, whence they were disseminated southward into the Deccan and beyond over the following 200 years. Relying upon close stylistic and iconographic analyses of architecture and objects resulting from the Shansabani campaigns, the present work hopes to right the historical and historiographical balance by demonstrating the multi-directionality of cultural exchange.

Pause café

Session 2 – Présidence : Maria Szuppe (CNRS, CeRMI)

  • 11 h 30 : Simon Berger (CETOBAC, EHESS / INaLCO)
    Tribu ou faction politique ? Les nomades Ōrāniyān des sources persanes médiévales et les errements de l’historiographie moderne

Dans la partie consacrée à l’histoire des Khẉārazmshāh de son Tārīkh-i Jahāngushā, l’historien persan Juvaynī (1226-1283) mentionne un groupe nomade des steppes au Nord du Khẉārazm, qu’il appelle les Ōrāniyān, nom que l’on retrouve par ailleurs dans une liste de groupes turcs du XIIe siècle. Membres nombreux mais déloyaux de l’armée khẉārazmienne, ils auraient notamment été de la famille de la fameuse Terken Khatun, épouse et mère des Khẉārazmshāh ‘Alā’ ad-Dīn Tekish (1172-1200) et ‘Alā’ ad-Dīn Muḥammad (1200-1220). Cette information est pourtant contredite, en apparence, par d’autres historiens persans de la même époque, Jūzjānī et Nasawī, qui rapportent que Terken Khatun appartenait aux Yemek, et qui ne disent rien des Ōrāniyān. L’identification de ces derniers a fait couler beaucoup d’encre et posé d’importants problèmes aux chercheurs, qui se sont souvent bornés à noter la complexité des imbrications « tribales » de la steppe qïpchaq des XIIe -XIIIe siècles. Il existe pourtant une solution tenant compte de l’ensemble des données. Elle implique cependant d’abandonner la conception datée d’une société nomade organisée autour de liens ethniques et tribaux, au profit d’une interprétation mettant en avant les rapports politiques à l’œuvre dans la steppe. Le cas des Ōrāniyān apparaît donc comme une illustration du caractère obscurcissant du paradigme tribal, et de la nécessité d’en sortir pour faire la lumière sur l’histoire des nomades de l’Eurasie centrale médiévale.

  • 12 h 00 : Alisa Shablovskaia (Sciences Po)
    Le désordre tribal et le jeu du prestige: le regard des diplomates ottomans sur le mouvement constitutionnel iranien

Dans l’historiographie du mouvement constitutionnel iranien (1905-1911), qui coïncide avec les années de l’occupation ottomane de la zone frontalière à l’Ouest de l’Iran, la diplomatie ottomane occupe généralement une place marginale, souvent perçue à travers le prisme de la rivalité anglo-russe. Ce sont les solidarités transnationales entre les constitutionnalistes iraniens et ottomans ainsi que les ambitions expansionnistes de la Porte à l’Ouest de l’Iran qui sont traditionnellement mises en avant par les spécialistes des aires turque et iranienne. Cependant, la lecture combinée des sources d’archives russes et ottomanes offre une autre perspective sur la position des représentants ottomans vis-à-vis des luttes politiques en Iran. Cette intervention cherche à situer les subjectivités ottomanes dans la quête d’un équilibre géopolitique régional en se concentrant sur les enjeux économiques, sécuritaires et diplomatiques de la présence ottomane en Iran. Elle conclut que les diplomates ottomans s’efforçaient d’instrumentaliser la crise iranienne afin de renforcer leurs liens avec Londres et Saint-Pétersbourg.

Pause déjeuner

Session 3 – Présidence : Francis Richard (BULAC)

  • 14 h 30 : Alessia Zubani (AOROC, EPHE-PSL)
    Nouvelles données sur l’histoire de la mécanique dans l’Iran tardo-antique

L’histoire de la mécanique dans le monde iranien tardo-antique demeure encore largement inexplorée. À cela plusieurs raisons, la première tenant à l’absence de données matérielles et de littérature technique datant de l’époque sassanide. Une lecture plus approfondie des sources arabes permet, pourtant, de combler cette lacune. L’étude de traités techniques médiévaux révèle l’existence d’un substrat iranien qui se manifeste dans la mention soit de scientifiques ressortissants du milieu perse, soit de termes techniques d’origine iranienne. L’analyse de ces sources permet de mettre en œuvre une réévaluation de la contribution de l’Iran à l’avancement des études sur la mécanique à l’époque tardo-antique et médiévale. De même, il est possible d’explorer les phénomènes de transmission des savoirs techniques entre le monde iranien et les milieux scientifiques islamiques médiévaux.

  • 15 h 00 : Sacha Alsancakli (CeRMI, Sorbonne Nouvelle / INaLCO)
    Description et étude de la bibliothèque d’Aḥmad Bēg, émir kurde des Mokrī : une contribution à la connaissance de la culture livresque dans le monde turco-iranien au XIXe siècle

L’étude de la culture livresque et des pratiques de lecture dans le monde musulman médiéval et moderne a connu ces dernières années un essor remarquable. La description des bibliothèques et collections de manuscrits représente une part importante de cette étude. Elle permet en effet de répondre à une question fondamentale : qui lisait quoi et dans quel contexte ? Dans ce cadre, la présente communication se propose de décrire la bibliothèque d’Aḥmad Bēg, émir kurde des Mokrī (région de Sāwuj Bulāgh, actuelle Mahābād au Kurdistan d’Iran), qui la légua en vaqf à deux de ses fils en 1243/1827-1828. Son contenu nous est connu grâce à une note documentant ce vaqf, copiée sur les feuillets 98v-99r d’un manuscrit du Sharafnāma de Sharaf Khān Bidlīsī ayant appartenu à Aḥmad Bēg (ms. P. 17, Centre national des manuscrits de Géorgie à Tbilissi). L’auteur de cette note Maḥmūd b. Mūsā fait aussi l’inventaire de la bibliothèque, qui comprenait en tout cinquante ouvrages différents, certains en plusieurs exemplaires, se rapportant à diverses sciences et disciplines. Dans cette communication, nous présenterons ces cinquante ouvrages et comparerons brièvement la bibliothèque d’Aḥmad Bēg avec celles d’autres émirs et érudits contemporains, afin d’en indiquer les spécificités éventuelles.

Pause café

Session 4 – Présidence : Oliver Bast (Sorbonne Nouvelle, CeRMI)

  • 16 h 00 : Julien Thorez (CNRS, CeRMI)
    La crise de janvier 2022 au Kazakhstan, une lecture géographique

Le Kazakhstan a connu au mois de janvier 2022 une crise sociale et politique d’une ampleur inédite. Des manifestations populaires ont initialement dénoncé la dégradation de la situation économique et sociale avant de remettre en cause le système oligarchique forgé par N. Nazarbaev, qui fut à la tête du pays de 1989 à 2019. Des émeutes armées ont affecté la plupart des grandes villes du sud et du sud-est, et notamment Almaty, la première agglomération. Une tentative de coup d’Etat initiée par des proches de l’ancien président aurait été perpétrée contre le président K.-J. Tokaev, conduisant ce dernier à faire temporairement appel aux forces de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) pour rétablir l’ordre. Cette communication propose de revenir sur ces événements qui marquent un tournant majeur dans l’histoire contemporaine du Kazakhstan, en en développant une lecture géographique.

  • 16 h 30 : Jean-Pierre Digard (CNRS, CeRMI)
    Les « libertés académiques » à l’épreuve du terrain : réflexions sur l’« affaire » Faribâ Âdelkhâh

Protester contre la condamnation inique qui a frappé Faribâ Âdelkhâh pour avoir exercé son métier d’anthropologue en Iran, n’exclut pas, bien au contraire, de s’interroger sur les conditions objectives de la recherche en fonction des contextes, sur le statut d’intrus de l’ethnologue, du géographe ou du sociologue sur son terrain, et sur le caractère tout relatif de la notion de « libertés académiques », car faire fi de ces différences peut s’avérer lourd de conséquences, aussi bien pour la validité des résultats scientifiques que pour la sécurité du chercheur lui-même et de ses partenaires, « enquêtés » et collègues « indigènes ».