Ouverte à la fois au grand public et à un public d’universitaires et d’étudiants, la Journée Monde Iranien est organisée chaque année, à l’occasion du Nouvel An iranien, Nowruz, par le CeRMI – Centre de Recherche sur le Monde Iranien, UMR 8041 (CNRS, Sorbonne Nouvelle, INALCO, EPHE). Cet événement a la vocation de rassembler à la fois le milieu des spécialistes et étudiants de nos disciplines et le public plus large s’intéressant aux problématiques de recherche aréale. La journée est consacrée à la présentation par les membres du CeRMI et leurs invités de l’actualité de la recherche sur le monde iranien.


XXIVe Journée Monde Iranien
© Impression spontanée – Sharareh SALEHI (extrait)

Vendredi 24 mars 2023 – 09h30-18h00
Auditorium de l’INALCO
65 Rue des Grands Moulins, 75013 Paris

Programme en pdf



Organisation et contact : Amr Taher Ahmed (INALCO, CeRMI)

Cette XXIVe édition accueillera des conférenciers – membres du CeRMI et leurs invités – représentants des différents champs disciplinaires, qui présenteront leurs nouvelles recherches en sciences sociales et politiques, histoire et histoire de l’art de l’aire iranienne.


Programme de la journée

  • 09 h 30 : accueil
  • 10 h 00 : Ouverture de la journée par Maria Szuppe, directrice du CeRMI

Séance 1 : Modérateur Franz Grenet (Collège de France)

  • 10 h 30 : Samra Azarnouche (EPHE-PSL, CeRMI), Maxime Petitjean (Sorbonne Université, UMR 8167 Orient & Méditerranée)
    Lecture d’un traité sassanide perdu : nouvelles lumières sur le Livre des Guerriers (Artēštārestān)

Engagés dans des conflits incessants aux frontières de leur empire, les Sassanides (3e-7e s.) ont non seulement déployé et développé des moyens militaires colossaux face aux menaces externes, mais ils ont aussi mis leur savoir technique par écrit. Rien ne subsiste cependant de cette littérature militaire en moyen-perse, hormis le résumé d’un traité intitulé leLivre des Guerriers (Artēštārestān). Ce vestige unique a été conservé au sein d’un compendium exégétique zoroastrien, le Dēnkard VIII, qui lui a donné une teinte religieuse et juridique. Sur la base d’une nouvelle traduction révisée de l’Artēštārestān et à l’appui des sources iraniennes, byzantines et arabes sur l’art de la guerre chez les Sassanides, nous proposons de relire ce livre perdu et d’en redécouvrir les différents chapitres dédiés à l’approvisionnement en vivres, à la fourniture des équipements militaires, aux conditions physiques et psychologiques des soldats, aux soins des chevaux, à la cohésion et l’organisation des armées, et aux tactiques défensives utilisés par les Sassanides au combat. Ce texte moyen-perse nous offre aussi une perspective saisissante sur les relations entre guerre et religion dans l’Iran tardo-antique.

  • 11 h 00 : Wouter Henkelman (EPHE-PSL, CeRMI)
    La construction de Persépolis : nouvelles données des archives élamites

La nouvelle datation de certains textes des archives du Trésor de Persépolis au milieu du règne de Darius I et l’identification d’un dossier associé dans les archives des Fortifications de Persépolis ouvrent des perspectives inédites sur l’opération logistique menée en vue de la construction de Persépolis. Les documents en question font état de milliers de travailleurs babyloniens (tailleurs de pierre) organisés en « chiliarchies », ainsi que d’artisans locaux appelés sur le chantier. Deux autres textes nouvellement identifiés semblent évoquer spécifiquement la construction de l’Apadana.

  • 11 h 30 : Delphine Poinsot (Oriental Institute, Chicago)
    De Persépolis à Persépolis : figuration animale et pratiques de scellement dans l’Iran ancien

Les tablettes de l’archive des Fortifications de Persépolis portent l’empreinte de milliers de sceaux, parmi lesquels plus de 400 représentent une figure animale seule. Cette tradition iconographique est devenue hégémonique dans les pratiques de scellement de l’Antiquité tardive, comme en témoignent les archives de bulles de l’époque sassanide. La comparaison systématique de cette tradition iconographique à travers les corpus achéménides et sassanides interroge la transmission de ces images, tant dans leurs caractères formels et iconologiques, que dans leur utilisation en contexte de scellement. Les corpus de scellement de l’Iran ancien offrent les plus vastes répertoires d’images pour cette période, et sont un locus particulièrement pertinent pour cerner l’importance de l’image dans les pratiques administratives comme l’impact de ces pratiques dans la construction des images.

Pause déjeuner

Séance 2 : Modératrice Justine Landau (Université Sorbonne Nouvelle, CeRMI)

  • 14 h 00 : Matteo De Chiara (INALCO, CeRMI)
    « Də wrajo na yawa wraj (un jour entre les jours) » : contes populaires, légendes, fables animalières et autres typologies des contes pashto

Les contes populaires, de la légende à la fable et au conte de fées, se rencontrent chez tous les peuples et dans toutes les régions du monde, depuis la nuit des temps. Ils font l’objet d’exégèse et de recueil systématique depuis les premières traces écrites de l’humanité. Au cours des deux derniers siècles en particulier, les contes ont fait l’objet de nombreuses études selon les approches les plus diverses, tantôt anthropologique et ethnologique, tantôt structuraliste et fonctionnaliste, encyclopédique, psychanalytique, ou autre. La culture pachtoune ne fait pas exception à la règle : depuis les premières collectes effectuées par les Anglais il y a de cela un siècle et demi, nous disposons de recueils et de témoignages divers sur les récits oraux, bien que l’étude du conte populaire pashto soit encore largement à faire. Dans cet exposé, j’analyserai les différents types de contes en pashto, à l’appui d’exemples relevant du monde iranien et de l’étude des contes de fées internationaux à des fins de comparaison.

  • 14 h 30 : Sacha Alsancakli (INALCO, CeRMI)
    Abdāl Khān, émir kurde du XVIIe siècle, patron des arts et bibliophile

L’étude de la culture livresque et des pratiques d’écriture et de lecture dans le monde musulman connaît depuis quelques décennies un essor important. Les travaux portant sur les bibliothèques, notamment celles d’émirs ou de savants, ainsi que les recherches consacrées aux conditions de production et de transmission des textes se révèlent à cet égard particulièrement fructueux. C’est dans la lignée de ces travaux et recherches que s’inscrit cette communication dont le sujet est Abdāl Khān (r. 1622-1664), émir kurde de Bidlīs. Décrit dans leSeyāḥatnāme d’Evliyā Çelebi comme un homme cultivé et polyglotte, doué pour les arts et pour les sciences, ce gouverneur était, au milieu du XVIIe siècle, à la tête du plus puissant émirat du Kurdistan ottoman. Dans cette communication, nous montrerons comment, fort de son pouvoir politique et économique, Abdāl Khān fit aussi de sa principauté un centre culturel et religieux, comme en attestent, d’une part, la description de sa riche bibliothèque incluse dans le Seyāḥatnāme et, d’autre part, l’importante activité de production et de traduction d’ouvrages dont nous avons gardé la trace sous forme de manuscrits.

Séance 3 : Modérateur Jean-Pierre Digard (CNRS, CeRMI)

  • 15 h 00 : Denis Hermann (CNRS, CeRMI)
    Autorité et culture politique dans la société qajare : la mobilisation de l’Iran sassanide par les oulémas

La riche littérature politique (siyāsat-i mudun) produite par les oulémas avant la révolution constitutionnelle de 1906 est dominée par certains éléments d’argumentation communs. Nous présenterons les modes de mobilisation de l’Iran préislamique, essentiellement sassanide, et dans une moindre mesure de figures de l’antiquité associées à l’histoire de l’Iran comme le binôme Alexandre le Grand et Aristote. Cette convocation renouvelée de l’Iran sassanide par les oulémas à la période qajare permettait de faire valoir deux attentes supposées des sujets (ra‘iyat) envers les souverains, la volonté de justice (‘adālat) et le désir de voir les oulémas jouer un rôle prééminent. Cette « pensée collective » sur l’Iran sassanide légitimait ainsi la théorie de la coexistence et collaboration nécessaires entre deux formes de pouvoir que sont d’une part le régime politique (salṭanat) incarné par un souverain (sulṭān), et d’autre part le savoir (‘ilm) représenté par les oulémas.

  • 15 h 30 : Yann Richard (Université Sorbonne Nouvelle, CeRMI)
    Le président Carter et la révolution en Iran, rupture d’une mésalliance ?

L’élection de Jimmy Carter a profondément déstabilisé les relations irano-américaines. La situation s’est dégradée en Iran après la visite du shah à Washington et celle de Carter à Téhéran (nov.-déc. 1977). Les analyses contradictoires qui parvenaient à Washington ont empêché toute décision claire, jusqu’à la crise des otages qui a amorcé un renversement et la rupture des relations.

Pause-café

Table ronde : Modératrice Pollet Samvelian (Université Sorbonne Nouvelle)

  • 16 h 30 : Hamit Bozarslan (EHESS), Stephane Dudoignon (CNRS), Azadeh Kian (Université Paris-Diderot)
    Iran 2023 : une révolution en cours ? État des lieux et perspectives

Après la mort, le 16 septembre 2022, de Mahsa Jîna Amini aux mains de la police des mœurs de la République Islamique à Téhéran, un mouvement de contestation sans précédent s’est élevé contre le régime des Mullahs au Kurdistan d’Iran, rapidement propagé dans le reste du pays. Derrière le slogan « Jin, Jiyan, Azadî » (femme, vie, liberté), la révolte marque tant par son ampleur que par ses caractères inédits, ainsi que par l’écho qu’elle rencontre à l’international. Qualifiée de « révolution » par ses protagonistes, elle semble viser la chute du régime et l’établissement d’une démocratie. Suite à la vaste et violente campagne de répression menée par la République Islamique, le mouvement pourrait pourtant perdre de son ampleur. En quoi cet élan de protestation se distingue-t-il des précédents ? S’agit-il d’une révolution ? En l’état actuel des choses, quelles sont ses chances d’aboutir ? Et à quoi pourrait ressembler l’Iran post-République Islamique ? Voilà quelques-unes des questions qu’aborderont nos invités, Hamit Bozarslan, Stéphane Dudoignon et Azadeh Kian, lors de cette table ronde.